L’accord sur le nucléaire iranien à l’épreuve de l’unilatéralisme ?
En marge de la 72ème Assemblée générale annuelle des Nations unies, comme un symbole, l’intransigeance de Donald Trump semble traduire le retour d’un unilatéralisme américain compromettant le Plan d’action global commun conclu à Vienne le 14 juillet 2015[1]. Salué par la communauté internationale comme première étape de la réintégration de l’Iran sur la scène internationale, cet accord nécessite un compromis commun et une confiance mutuelle aujourd’hui érodés, à l’image des nouvelles sanctions américaines annoncées jeudi 14 septembre.
Un accord de compromis
Le plan d’action global, prévoyant le cantonnement du programme nucléaire iranien à des usages civils en échange de la levée progressive des sanctions internationales, se base sur la bonne volonté et la confiance entre les Etats parties. A ce titre, du fait de la susceptibilité historique de la question mais également de sa grande sensibilité aux évolutions géopolitiques, le texte de Vienne a établi un cadre normatif et institutionnel souple qui favorise la négociation diplomatique. Pièce centrale du dispositif, le mécanisme de règlement des différends se fonde ainsi sur une Commission conjointe, réunissant les participants au plan pour discuter de son application et des problèmes rencontrés dans une logique de dialogue plutôt que de coercition[2]. Cependant, cet équilibre fragile nécessite une modération qui semble aujourd’hui faire défaut, alors que les sanctions américaines unilatérales ont repris sous la présidence Trump.
Résurgence des tensions
Depuis son accession au pouvoir, le président américain n’a eu de cesse d’attaquer le « pire accord jamais signé par les Etats-Unis » tout en mettant en cause l’intégrité iranienne. Pourtant, dans son rapport d’étape du 31 août 2017, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a assuré que l’Iran respectait bien les termes de l’accord en maintenant notamment sa quantité d’uranium faiblement enrichi sous le plafond autorisé de 300 kg, et en cessant la construction de son réacteur à eau lourde d’Arak. Sceptique, le Congrès a toutefois voté plusieurs vagues de sanctions, en juillet puis septembre 2017, accusant l’Iran d’activités militaires « pernicieuses », au sujet notamment de son programme de missiles balistiques. Ces sanctions ont été qualifiées par Téhéran de « violation » de l’accord, bien qu’elles ne soient pas directement liées au nucléaire, et ont provoqué l’ire du président Hassan Rohani qui a menacé de se retirer du plan, en dénonçant des sanctions arbitraires et en qualifiant Donald Trump de mauvais partenaire.
Vers un retour de l’unilatéralisme américain ?
Alors que le président Trump doit certifier mi-octobre devant le Congrès que Téhéran respecte ou non les termes de l’accord, la question du nucléaire iranien demeure brûlante et va continuer de susciter de nombreuses discussions lors de l’Assemblée générale. Les autres signataires de l’accord, la France en tête[3], réclament en effet l’apaisement des tensions et le maintien d’un arrangement porteur de nombreuses opportunités, notamment économiques[4], tandis que les Etats Unis essayent de pousser l’Iran à la faute, en explorant notamment la piste de nouveaux contrôles par l’AIEA[5]. En cherchant à renégocier drastiquement le plan et à contrer à tout prix l’influence grandissante de Téhéran au Moyen Orient, l’administration Trump semble faire fi du multilatéralisme pourtant prôné par l’accord. Dans le même temps, la Chine, qui vient d’octroyer à l’Iran un prêt de 10 milliards de dollars, se positionne comme un partenaire de premier choix pour la république islamique, peut être au détriment d’une Europe encore trop atlantiste ?
[1] « L’Iran et les Etats-Unis sont-ils redevenus les meilleurs ennemis ? », France Culture, Du grain à moudre d’été, 8 août 2017
[2] CHERIEF Hamza, « Iran. Crise nucléaire : le compromis permanent ? », Diploweb, 5 janvier 2016
[3] PARIS Gilles, SEMO Marc, « Face à Trump, Macron défend l’accord avec l’Iran », Le Monde, 19 septembre 2017
[4] PFIMLIN Edouard, « Gros contrat pour Total en Iran, poursuite de l’ouverture », Le Monde, 3 Juillet 2017
[5] IMBERT Louis, « Iran : les Etats-Unis font pression sur le gendarme du nucléaire », Le Monde, 24 août 2017